De vent, de sable et d’eau
Recueil de poèmes
écrits en 1998
inédit
finaliste au Prix Editinter en 1998
Présentation
Des textes teintés de mélancolie, de questions, de révolte. Échos du versant moins lumineux de la vie, qui heurte et blesse tant les gens sensibles.
Et toutes ces choses, si lourdes, ne sont pourtant que vent, sable, eau fuyante… Rien !
Extrait
Aquarelle effacée
vague fusain sur les bribes de vie
aquarelle effacée par l’océan impie
vagues fusant sur les bris des coquilles
impitoyable saut de l’appel en avant
de l’appel en aval
vagues frissons sur les débris d’esquilles
de fragiles esquifs et de coquilles de noix
à la pelle au canal
et la mer qui s’esquive et qui louvoie sans cesse
crayonnés imprécis de nos rêves d’enfants
qui toujours nous poursuivent
impitoyablement
Et la mort en dentelles
crotales en corolle
et la mort en dentelles
qui pieuvre et manœuvre
et rançonne en coulisses
et se glisse insatiable
tandis qu’ils inconscients
s’entrelacent et s’enlacent
se lovent et s’entrelovent
en leurs draps de satin
lacérés et si las de serrer
qu’ils se prennent
au collet de
l’amour
mutuel
éternel
et mouvant
comme le sable
coulant au sablier
de leurs mains assemblées
Dérisoire Artaban
debout
les orteils frétillant dans les sables mouvants
les yeux dans les étoiles
les cheveux dans le vent
menu fretin maintenu par le pied
dans son béton de verre
armé de sa fragilité
dérisoire Artaban
de ficelle et
de boue
l’homme se prend pour le dauphin de Dieu
et dans le même temps il se sent plus petit que le plus petit
de tous ces grains de sable
qu’il foule aux pieds
sans y penser
Au jeté des pavés
La ville allume
au cœur enclos des sans-logis
un désespoir tenace et vain
face aux fenêtres sombres
qui claquent leur indifférence
au nez-museau des sans-abri
immobiles sous la ride du temps
au jeté des pavés
l’âpre musique les rejoint
de miserrance en miserrance
et ils s’en vont plus loin
Au loquet des prisons
délinquant déglingué
au hoquet des misères
au caquet des commères
bilboquet solitaire
épinglé au loquet des prisons
le regard s’exaspère
le poing s’use au béton
s’égratigne le cœur
dans sa soif de lumière
il s’enlise il s’enchaîne
à l’autel des chimères
il espérait tellement
revoir un jour la mer
et pourtant il se pend
Impuissance
torride l’arène
où le taureau farouche
lutte dans l’ombre rouge
de son trop d’impuissance
le sang coagulé obscurcit son regard
poussière et sable roulent
sur ses sabots brûlants
soif et fureur
force brutale
qui piaffe et encorne
l’huile dans l’œil
le coton dans l’oreille
bastonnée, transpercée, picadorée
déjà morte en entrant dans l’arène
la bête face à l’homme
le vermisseau sera vainqueur
fourrant sans mal sa lame froide dans la chair
de l’animal annulé lâchement
par le tricheur humain
durée lascive de la mort
quand le sang coule rauque et chaud
et que roulent les yeux habités de terreur
sous les cris des tarés
jouissant de la mort
que donne rutilant le grand toréador
impuissant à donner
autre chose que la mort