Fleurs et chardons
Recueil de poèmes
écrits en 1987
inédit
Présentation
Enchantée par ce mode d’expression, j’ai repris la plume dès l’été 87, pour écrire une nouvelle série de poèmes, faisant appel à mon imagination pour chanter la vie telle qu’elle est, merveilleuse ou terrible.
Des moments de révolte, des moments de bonheur… Tout mérite d’être dit.
Du classique pas vraiment classique, beaucoup de liberté dans les rimes, un rythme régulier (alexandrins, octets) qui me vient très naturellement, et que je laisse venir, sans calculer, sans réfléchir…
Parfois créés sur la musique, un air sur lequel je lance les mots – et ça glisse encore mieux.
Extrait
Un amour de porcelaine (été 87)
Si notre amour était de glace
Il serait blanc immaculé
Mais il serait chose qui passe
Et il fondrait avec l'été
Si notre amour était de verre
Il serait bien trop transparent
Et dans son cœur toujours ouvert
Ne cacherait rien d'exaltant
Si notre amour était de chair
Il fanerait avec le temps
Et retombant dans la poussière
Il s’envolerait dans le vent
Si notre amour était de lune
Il ne serait qu'un rêve bleu
Comme le sable de la dune
Qui file entre les doigts fiévreux
Mais cet amour de porcelaine
Fragile et beau comme une fleur
C'est comme une exquise fontaine
D’où s’écoulerait le bonheur
L’amour à pas de loup (été 87)
L'amour s'est arrêté chez nous
Et il a demandé asile
Il était frêle et bien chétif
Et son regard était si doux
Porteur des palmiers bleus des îles
De lunes roses et de récifs
Il était frêle et bien chétif
Et son regard était si doux
Il a pris pied sur ma presqu'île
Abandonnant son frêle esquif
Et je me suis mise à genoux
Caressant des rêves fragiles
Porteur des palmiers bleus des îles
Et d'un bonheur trop fugitif
Il a comblé mes espoirs fous
Inondant d’un parfum subtil
Mon âme bleue, mon cœur à vif
Je l'ai suivi à pas de loup
De mandoline en capucine (été 87)
Tu chantes, et je suis mandoline
Tu m'aimes, et je suis Colombine
Tu rêves, et je suis abyssine
Tu sèmes, et je suis étamine
Dans le jardin des rimes, dans le jardin des rêves
Tout commence avec toi, avec toi tout s'achève
Tu manges, et je suis amandine
Tu bois, et je suis grenadine
Tu cours, et je suis ta Sabine
Tu plantes, et je suis capucine
Je chante au long des jours mes folles nuits de Chine
Selon l'heure, je me sens câline ou sauvagine
Tu souffres, et je suis ton épine
Tu hais, et je suis assassine
Tu tues, et je suis vipérine
Tu pars, et je suis orpheline
L'herbe sauvage (été 87)
l'amour avait fleuri pour nous
comme fleurit l'herbe sauvage
celle dont tous ces pauvres fous
se débarrassent et se dégagent
si par malheur elle apparaît
dans leur petit jardin bien sage
on nous dit que c'est défendu
car elle dévore les jardins
bien clos et bien entretenus
de nos bourgeois les plus malins
saccageant leur vie bien rangée
et ravageant leur belle allée
l'amour sauvage a dû périr
arraché comme mauvaise herbe
et se résigner à flétrir
dans le fossé en pauvre gerbe
car notre amour était trop beau
pour vivre sous le nez des sots
Les enfants qui pleurent (été 87)
ils étaient des milliers et des milliers d'enfants
qui me dévisageaient de leurs yeux bien trop grands
des yeux pleins de reproche et pourtant si confiants
des yeux pleins de détresse résignés et touchants
ils étaient des milliers à me tendre la main
seuls et abandonnés sans espoir pour demain
ils étaient maigres et nus et leurs membres chétifs
n'étaient que des bâtons aux mouvements craintifs
ils étaient affamés, ils étaient orphelins
sans jouets, sans chemises et sans un bout de pain
et leur corps de misère égaré sur la terre
semblait me demander pourquoi je laisse faire
ils n'ouvraient pas la bouche et pleuraient en silence
pas de larmes pourtant dans leur prunelle immense
j'ai le cœur déchiré quand je vois ces enfants
que l'on a transformés en squelettes ambulants
et je sens tout à coup la colère m'envahir
en songeant que demain ce ne peut qu'être pire
en voyant l'énergie et l'argent gaspillés
dans ce monde de fous qui nourrit des armées
Comme une mouche (été 87)
Je suis comme une mouche dans une cage en verre
S'élançant sans arrêt vers l'air et la lumière
Et se heurtant toujours aux parois invisibles
Emprisonnant sa vie et ses élans risibles
Et la mouche vrombit de son aile indignée
Et se heurte au silence de la paroi glacée
Jusqu'à ce que la vie cède enfin le flambeau
Et voilà notre mouche qui gît sur le dos
Je suis comme une mouche, une mouche affolée
Prise au cœur d'une immense toile d'araignée
Dans le cœur de l'étoile aux dentelles fragiles
Sous les yeux noirs du monstre qui guette immobile
Engluée dans les mille tracas de ma vie
Empêtrée là-dedans jusques à la folie
Je vois le temps passer et la mort me guetter
Je vois le temps patient, sûr qu'il est de gagner
Je suis comme une mouche, une mouche affamée
Qui se jette sur tout et voudrait tout manger
Une mouche sans ailes, qui ne peut pas voler
Une mouche sans pattes, qui ne peut pas marcher
Et qui désire tant et avec tant d'ardeur
Impuissante à combler les désirs de son cœur
Et le manque de temps et le manque d'argent
Qui me rongent la vie, qui me rongent les sangs
Je vois tous ces soleils qui me font signe au loin
Et je suis prisonnière engoncée dans mon foin
Je me bats, me débats et me déchaîne en vain
Contre un monstre affligé de mille et une mains
C'est ainsi goutte à goutte que s'écoule ma vie
Dans l’amphore assoiffée de mon âme transie
Et la mélancolie qui fleurit dans mes mains
Englue de son miel noir chacun de mes matins