Et nos enfances ?
Recueil de poèmes
écrits en 1987
inédit
Présentation
L’enfance, source et racine de ce que nous serons. Si lointaine et pourtant toujours proche, car nous en sommes façonnés à jamais…
Toujours le rythme et les rimes… habitude classique, dont je m’accommode avec plaisir.
Extrait
Douleur déchire (été 87)
Une sourde douleur me tenaille le ventre
Et je sens que déjà je me déchire en deux
Sous les coups du poignard qui me fouille et m’éventre
Et je suis prise au piège et meurs à petit feu
La douleur coule en moi et se répand partout
Comme une lave en feu qui ondule et serpente
Et c’est une sangsue qui se colle à mon cou
Et me fait dévaler la fatidique pente
Et je pense à ma mère qui a souffert pour moi
Les deux mains douloureuses écrasées sur le ventre
Et je pense à l’enfant qui souffre autant que moi
Ce petit innocent évincé de son antre
Le carcan de douleur me terrasse et m’avale
Et les muscles se figent et mon corps est en pleurs
Il n’existe plus rien que le mal et le mal
Et je suis crucifiée sur le lit de ma peur
Mais quand vient mon enfant toute douleur s’envole
Et j’accueille en pleurant l’oiseau tombé du nid
Je cueille en souriant cette frêle corolle
Et la vague d’amour qui est née avec lui
Maman (été 87)
C’est le mot le plus doux du monde
Et celui qui ouvre la ronde
Aux jolis souvenirs d’enfance
Aux images oubliées qui dansent
Au fond de toutes nos mémoires
Et c’est toujours la même histoire
Car il nous parle de tendresse
Et de baisers et de caresses
Et d’une main sur notre tête
Qui nous préserve des tempêtes
Et il nous parle de cadeaux
Et de bonbons et de gâteaux
Et il nous parle d’une voix
Qui chante et qui montre la voie
Et d’un grand pas qui ralentit
Pour attendre le tout petit
Et il nous parle d’un regard
Qui brillait pour nous comme un phare
Et si les cheveux ont blanchi
Et si la taille a raccourci
Et si la voix ne guide plus
Et si les pieds ne courent plus
Le regard est toujours le même
Et j’y lis toujours que tu m’aimes
Gavroche (été 87)
Pousse un caillou du bout du pied
De sa galoche maculée
Les deux poings tout au fond des poches
Il vous sourit d’un air gavroche
Un large sourire insolent
Et puis deux yeux si transparents
Qu’ils vous percent et vous déshabillent
Ça vous met l’âme à fleur de vie
Ses cheveux sont embroussaillés
Sa vieille veste est éculée
Mais le sourire de sa frimousse
Vous frappe au cœur vous éclabousse
Et il éveille en vous l’écho
D’un gros cartable sur le dos
De votre enfance si lointaine
Où l’insouciance était la reine
Et de fil en aiguille (été 87)
Et de fil en aiguille
Une perle de pluie
Une perle de feu
Qui me coulent des yeux
Et de fleur en chardon
Au fil de mes saisons
C’est la vie qui me taille
Diamant de bataille
Et de fil en aiguille
Une larme de pluie
Une larme de feu
C’est beaucoup et c’est peu
S’enfilent en ma mémoire
Du matin jusqu’au soir
De la plus tendre enfance
Jusqu’à la mort qui danse
Et le soir doit blanchir
Pour devenir matin
Et la fleur doit mourir
Pour devenir parfum