Du vol à l’envol
Nouvelle écrite en 2020
Publiée dans la revue Marginales n°303, été 2020
Publiée par M.E.O. en 2024 dans le recueil Ainsi va la vie, ainsi va la mort
Nouvelle écrite pour la revue Marginales, sur le thème «De virus illustribus », parodiant à l’occasion du Covid le célèbre titre du manuel scolaire « De viris illustribus »
Tout le monde se serre les coudes pour vaincre le Covid. Il faut s’entraider, veiller notamment au bien-être des plus vulnérables, comme les personnes âgées. C’est ce qui amène notre personnage à se trouver nez à nez avec un ancien professeur de latin, qui lui a enseigné bien plus que le latin.
Présentation
Une nouvelle très courte, qui met l’accent sur la bonne façon de gérer les choses, que ce soit une pandémie mondiale ou un menu larcin dans une classe de secondaire. Cela peut avoir des répercussions à long terme.
Inoculer le virus de l’honnêteté, quelle belle mission pour un enseignant ! Et celui-là était vraiment un enseignant hors pair.
Extrait
Pour la première fois dans l’histoire de l’humanité, le monde connaît un mot universel. Tout le monde connaît le coronavirus, et tout le monde le craint de la même façon, car ce petit bidule, invisible, indétectable, dont la technologie de pointe arrive pourtant à nous montrer qu’il ressemble à un pompon de mimosa, presque mignon, ma foi, ce petit bidule sans prétention pourrait bien signer la fin de l’humanité !…
Déchirée depuis la nuit des temps, elle s’unit, l’humanité, devant le minuscule ennemi. Et, toute affaire pendante, tous s’entendent sur le fait qu’il faut à tout prix le vaincre. Par tous les moyens, en acceptant tous les sacrifices, et surtout, en acceptant de se serrer les coudes partout dans le monde !
Du jamais vu !
Le mot « solidarité » est sur toutes les lèvres. Et ce n’est pas un vain mot. Moi-même, je me suis offert spontanément pour aider les personnes fragiles. C’est ce qui m’a amené à sonner chez ce vieux monsieur, signalé « isolé », pour lui proposer mes services. Mais quand il m’a ouvert la porte, j’ai été submergé par une émotion incontrôlable, car ce vieux monsieur, je le connaissais !
- Vous ne me reconnaissez pas, Monsieur ?
- Non. Je devrais ?
- Vous avez été mon professeur !
- Ah ? Mais vous avez changé, vous savez… et j’ai eu tant d’élèves ! Les élèves se souviennent mieux de leurs professeurs que l’inverse. Et... qu’êtes-vous devenu depuis lors ?
- Je suis prof d’unif !
- Félicitations ! Le De viris illustribus vous a inspiré, je vois…
- Oh si quelqu’un m’a inspiré, c’est vous, Monsieur ! J’ai même un souvenir précis du jour où est née ma vocation d’enseignant. Et aujourd’hui, c’est un virus illustris qui me permet de vous remercier ! Comme quoi, à quelque chose malheur est bon, comme vous disiez toujours.
- Un souvenir précis ? Un texte ?
- Vous m’avez donné une leçon que je n’ai jamais oubliée.
- Vraiment ?
- Un vol avait été commis en classe. Il vous a été signalé. Vous vous êtes levé et vous nous avez dit, textuellement, je m’en souviens très bien : « Un stylo a été volé pendant le cours ce matin. Celui qui l’a pris, veuillez le rendre. »
Personne n’a bougé.
Alors, vous nous avez fait aligner tous le nez au mur, vous nous avez ordonné de garder les yeux fermés, pendant que vous alliez fouiller nos poches jusqu’à trouver l’objet volé.
J’ai blêmi, car c’était moi, le voleur. Ce stylo était si beau, je n’ai pas pu m’en empêcher, il fallait que je l’aie. J’étais mort de honte, car vous alliez trouver le stylo dans ma poche.