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Lettre à Lola

Nouvelle écrite en 2012 pour participer au Prix Nothomb

Publiée dans l'anthologie L’être les liens la vie – 50 auteurs belges actuels aux éditions Parler d’être - le bien-être par les mots - (2013)

Lettre d’un homme à sa femme, partie en larmes et en fureur après une scène de ménage. Sa justification, sa réaction, son désarroi.

Le challenge du concours était de répondre à certaines exigences : placer cinq mots bien précis dans le texte.

Présentation

Pour participer au Prix Nothomb cette année-là, il fallait intégrer dans le texte de la lettre les cinq mots suivants : revolver – porte – neige – Cologne – reflet.
J’ai trouvé le jeu piquant et j’ai pris la plume pour écrire à Lola.

La lettre

Qu’est-ce qui t’a pris, Lola ? Tu es folle ?
Si tes yeux avaient été des revolvers, je ne serais plus là pour t’écrire. C’était la révolution !

Mais pourquoi ? Parce que je suis rentré tard ? Il y avait de l’encombrement, les tunnels étaient fermés, il y avait un accident.
Ça, c’est grave. Ces gens-là ont le droit de se plaindre. Mais toi !? Ton mari rentre tard ? Minuit ? Et alors ?

Ça t’a manqué ? Tu étais dehors, tu avais froid, tu avais faim ?
Non, tu étais chez toi, bien au chaud. Tu as mangé, tu as regardé la télé. De quoi te plains-tu ?

Ton mari a dîné au resto. Et alors ?
Avec une femme ? Et alors ?
Une vieille amie, une ex-copine de classe, retrouvée après quarante ans ! Et alors ?
C’était en tout bien tout honneur. Pas de quoi fouetter un chat !

Et toi, tu fais une scène à mort ! Tu sors en claquant la porte. Tu te fous du froid, de la neige, du verglas. Tu prends ta voiture et tu démarres en trombe.
Pour aller où ? Te jeter au canal ? Toi qui détestes l’eau froide !

Ou te jeter dans les bras d’un autre pour te venger ! Mais te venger de quoi ?

Et moi qui t’avais acheté un flacon d’Eau de Cologne, comme tu l’aimes, pour te montrer que je pense à toi ! Que c’est toi qui comptes. Toi seule !

Elle ?! Elle, ce n’est rien. Un reflet, un simple reflet de ma jeunesse.

Mon cadeau t’a fait grimper au mur ? C’est la goutte d’eau qui a fait déborder le vase ! Tu me l’as jeté à la tête. Et tu es partie en fureur.

Notre amour est à l’eau ? Mais pourquoi ?
On n’a rien à se reprocher, mon ex-amie et moi. On n’a rien fait de mal. On s’est amusés, c’est tout ! Un petit repas entre amis, tu ne vas quand même pas me le reprocher ! Un plateau de fruits de mer, un vague homard à la nage, un sorbet champagne…

Je le lui ai offert ? Je ne t’ai jamais offert le resto, sans doute ? Tu n’as pas à te plaindre, il me semble !

Je n’ai pas pensé à toi une seule fois de la soirée ? Et alors ? Tu pensais à moi, toi, peut-être ?

Oui, sans doute, tu pensais à moi… Tu t’inquiétais.

Je suis là maintenant. Je suis revenu.
Je suis là, Lola.

Mais toi tu n’y es pas. Je suis seul, sans toi.
Notre bateau prend l’eau et j’écope. Dans tous les sens du terme. Je n’aurais pas dû. Je n’aurais pas dû te laisser seule pour sortir avec elle. Je n’aurais pas dû.

Tu me manques, Lola.
Reviens, mon amour, où que tu sois. Reviens-moi vite, j’ai trop besoin de toi.
Je t’aime plus que tout. Pardonne et reviens-moi.


Ton Filou qui t’aime à la folie