Quand Istanbul déboule à boulets rouges
Nouvelle écrite en 2006
Publiée dans le recueil Les couleurs de la peur aux éditions M.E.O. (2021)
Nouvelle historique
Nouvelle mettant en scène la prise de Constantinople par Mehmet II en 1453. La fin de l’Empire romain d’Orient.
Le fait historique est agrémenté par une tentative désespérée menée par une femme pour tenter d’éviter l’inévitable, et chasser les Ottomans qui assiègent la ville.
Présentation
Cela fait des mois que la ville est assiégée. La bataille décisive est imminente. Hélène prend une terrible décision. Elle va tenter de décapiter l’armée ottomane en allant tuer le sultan dans son camp. Intrépide, elle se sacrifie, car elle sait qu’on ne la laissera pas survivre à la mort du sultan. Mais l’armée, décapitée, perdra toute force et lèvera le camp. Du moins, elle l’espère.
Extrait
Ce siège qui s’éternise. Il se préparait dès la fin de 1452. Une immense armée s’était établie au nord des remparts. La ville était bien défendue avec sa triple enceinte, ses douves, ses tours puissantes. Le vrai siège a commencé en avril. Mais hier, vingt-huit mai, les hérauts du sultan ont annoncé la bataille décisive. La catastrophe est imminente. La ville fait le gros dos.
Le bombardement a duré toute la nuit. Hélène contemple la ville dévastée, assise sur un débris de colonne noirci. L’odeur de la mort flotte partout, la fumée, la poussière, les corps allongés dans des positions grotesques. Les engins incendiaires tracent de longues flèches lumineuses dans le ciel sombre, comme de sarcastiques lucioles. Et chacune fait mouche. Les habitants s’activent pour secourir les blessés, éteindre les incendies, on court, on crie de tous côtés. C’est l’enfer.
Un homme tombe d’un toit tout près d’elle, sans qu’elle bouge. Il crie, elle s’en fiche. Elle n’arrive plus à rien ressentir d’autre qu’un immense découragement. Aussi vaste que le ciel, aussi cruel que le feu. Elle en a soigné, des gens, elle en a éteint, des incendies. Cette fois, c’est fini. Elle est vide, elle n’a plus de courage.
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La puissante flotte ottomane pilonne la ville du côté maritime. C’est la fin. Hélène se cache la tête dans les mains. Que peut-elle faire ? Que peut une jeune courtisane là où l’empereur et ses troupes sont impuissants ? Il faut dire qu’il n’y a plus grand monde pour combattre. Que reste-t-il des sept mille soldats grecs ? Et des quelques soldats génois que la vieille Europe a dépêchés contre l’invincible marée turque ? … La force n’est pas de leur côté. La ruse peut-être ?
Aller frapper là où réside la force. A la tête. Décapiter le Turc. Aller tuer le sultan. Il n’est pas loin. Sa tente est plantée là, face à la Porte Saint-Romain, comme une insulte à Rome, dont Constantinople porte le flambeau depuis tant de siècles à la porte de l’Orient. Hélène lève la tête, repousse ses cheveux collants et fixe d’un œil noir le camp ennemi.
Revue de presse
Se rapporter à la revue de presse du recueil Les couleurs de la peur.