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Quand la mer fait des bulles…

Nouvelle écrite en 2004

Publiée par M.E.O. en 2024 dans le recueil Ainsi va la vie, ainsi va la mort

Une nouvelle humoristique où un homme, récent propriétaire d’une villa en bord de mer isolée à souhait, découvre que la mer fait des bulles sur son bout de plage… Il en déduit qu’une source jaillit chez lui et pourrait bien lui apporter des avantages en liquide et en nature.

Présentation

Une source inattendue, une voisine qui lui fait des avances, il n’en faut pas plus à notre homme pour monter un canular qui lui attirera beaucoup de monde – et du beau monde. Jusqu’au jour où il découvre la raison de ce pétillement, qui lui a donné bien des joies coquines, mais aussi un final dont il ne se vantera pas...

Extrait

Mon chien courait le long des vagues, très excité, explorant, reniflant, sautillant. Soudain, il s’arrêta. Et se mit à aboyer frénétiquement. Il devait avoir trouvé un crabe ou une étoile de mer.

Je m’approchai pour le rassurer d’une caresse, mais je demeurai interdit. Car il n’y avait ni crabe ni étoile de mer. En fait, il n’y avait rien, que des bulles. Et quand la mer se met à faire des bulles, il y a de quoi se poser des questions. Je me penchai pour voir quelle bestiole pouvait bien respirer là-dessous. J’eus la surprise de trouver à cet endroit l’eau très froide, alors que tout alentour, elle était d’une tiédeur délicieuse. Une source ! Il y avait une source d’eau claire dans la vasouille de mon bord de mer. J’étais propriétaire d’une source ! Serait-ce là la richesse annoncée ? De l’eau minérale ?! C’est bien beau, de l’eau minérale, mais comment la capter au sein de l’eau de mer ?

Je n’eus pas le loisir d’y penser davantage. Quelqu’un carillonnait à ma porte d’entrée. Quand je dis carillonnait, c’était presque une cloche d’église qui sonnait. Il fallait bien ça pour entendre un visiteur quand on se trouvait au bord de l’eau, dont l’incessante respiration couvrait tout autre bruit. Qui pouvait me rendre visite ? Je ne connaissais personne. C’était une voisine, qui venait faire connaissance, m’assurant que pendant des années, elle avait tenté de fréquenter mon oncle, qui n’était qu’un vil grigou et n’avait jamais voulu la recevoir. Comme elle était jolie et que je n’avais rien d’autre à faire, je l’invitai à faire le tour du propriétaire et à venir voir ma source.

Elle eut une réaction édifiante. Après quelques exclamations extasiées sur la surprise de voir une source jaillir en bord de mer et sur la fraîcheur extrême de cette eau, elle se déshabilla en un clin d’œil et se trouva en string à fleurs, ses habits jetés plus loin, ses pieds disparaissant en quelques instants, gobés par le sable mouvant qui englobait ma source.

Elle les en arrachait avec un petit rire et les y replongeait pour les voir disparaître à nouveau. M’invitant à en faire l’expérience avec elle, elle me tendit la main. Je la pris avec quelque appréhension. Il faut dire que je suis d’un naturel timide et plutôt réservé avec les femmes. Et celle-là, à peu près nue, qui me tentait ainsi dans ce lieu désert et paradisiaque, où personne ne pouvait nous déranger puisque c’était chez moi… Et que le cirque de rocs nous entourait de partout, nous cachant à la vue de tous… Je fixai mes pieds.

Mes orteils s’enfoncèrent à leur tour dans la vase froide, qui me monta bientôt aux chevilles. Je continuais à descendre. Elle aussi, en riant. Jusqu’où allions nous descendre ainsi ? Oh pas bien loin. Mais plus on attendait pour s’extraire de la gangue vaseuse, plus c’était dur... En perdant l’équilibre, elle s’abattit sur moi, ses cheveux frôlèrent mon visage, ses seins frôlèrent ma poitrine, je reculai, le cœur battant, et allai m’asseoir dans le sable. Alors, elle s’agenouilla dans la source, s’y accroupit, s’y assit au milieu des bulles, s’y coucha, s’y roula, y prenant de plus en plus de plaisir apparemment, car elle riait de plus en plus fort. Une statue de boue gluante et luisante, d’où émergeaient des bouts de peau claire. C’était très excitant. Et très gênant.