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La ligne bleue

Nouvelle écrite en 2004

Inédite

Nouvelle policière de la Belle Époque, dans une maison de style Horta

Noyée, la jeune Primevère ? Dans son bain ? Mais pourquoi cette position étrange ? En chien de fusil. Et qu’est-ce que c’est que cette trace bleue le long de la baignoire ? Elle vivait avec son frère aîné, Théo, et Gudule, la gouvernante qui prend soin d’eux depuis la mort de leurs parents. Jeune et belle, Gudule, rien de la vieille fille rangée à collet monté…

Présentation

Plus de parents, décédés, un tuteur amoureux, une gouvernante amoureuse, et un drame. Primevère, la fille de la maison, trouve la mort alors qu’elle est seule à la maison. La gouvernante la trouve noyée au retour de sa journée de congé. Mais le médecin légiste parle de strangulation et de mise en scène…

Qui avait intérêt à se débarrasser de Primevère ?

Extrait

Une douce lumière fuse à travers les rideaux couleur d’ambre, le soleil couchant caresse les motifs entrelacés et la sirène aux longs cheveux qui joue sur le mur clair de l’antichambre. Un ravissement pour le regard. Mais Gudule ne la regarde pas, Gudule ne regarde rien. Il fait toujours silence dans la maison. Les portes des chambres sont ouvertes, les lits défaits, les rideaux tirés sur la lumière diffuse. Seule brûle la lampe Daum que Primy laisse en veilleuse pour la nuit près de son lit.

La gouvernante l’éteint. Le globe est chaud. Après un coup d’œil circulaire sur le désordre qui règne dans la chambre, où les vêtements de la veille n’ont pas été rangés, elle se dirige vers la salle de bains. Et là, dans l’eau… Dans l’eau, Primy, en chien de fusil, nue, les cheveux trempés dissimulant le visage, les mains croisées sur la poitrine, comme si elle avait voulu se protéger de la mort. Comme si elle avait froid.

Gudule porte la main à la bouche, se penche un moment sur le corps, plonge une main fébrile dans l’eau froide. Et se précipite au salon pour téléphoner.

- Police, venez vite, Mlle de la Pière est morte ! C’est affreux ! Je viens de la trouver dans son bain. Noyée !

Elle demeure au salon, immobile, tremblante, perchée au bord de son fauteuil à dôme, les mains jointes sur les genoux. Son regard plane sur le décor, les boiseries ondoyant comme des lianes, vraies feuilles et fausses fleurs artistiquement unies. Aucun angle dans la maison. Tout en rondeurs, courbes et spirales. Rien qui heurte le regard. Les meubles cirés, créés en fonction du logis, se marient aux murs comme la peau colle au corps. Beauté, harmonie, perfection de la ligne… Et là-haut, dans l’eau, ce corps blanc planté comme une écharde dans la chair de la maison.

Elle frissonne, se lève, monte à la salle de bain et s’y enferme. On entend la baignoire se vider à gros borborygmes gloutons. Un coup de sonnette en point d’orgue. La gouvernante descend en rajustant hâtivement son chignon. Ouvre la porte. Une voix rogue emplit le hall.

- Bonsoir. Commissaire Lesueur. Dites-moi ce qui s’est passé ?
- Je rentrais de ma journée de congé et j’ai trouvé Primy noyée dans la baignoire.
- À quelle heure ?
- Vers 17h30.
- Elle était seule ?
- Oui. Nous sommes trois. Elle, moi, la gouvernante. Et Théo, le fils de la maison. Il est parti au travail ce matin, avant moi. Il ne sait encore rien. Comment lui dire… ?
- Montrez-moi le corps.