Un amour de papier
Nouvelle écrite en 1992
Publiée dans le recueil Ma plus belle histoire d’amour aux éditions Belgique Loisirs (1992)
Publiée par M.E.O. en 2024 dans le recueil Ainsi va la vie, ainsi va la mort
Deux pensionnats contigus, un pour filles, un pour garçons. Seul point de jonction, la chapelle et la messe hebdomadaire. Amours de potaches, entravés et contraints, sans intérêt pour Véronique. Elle rêve d’autre chose. Elle sera servie.
Une relation par lettres interposées, et rien d’autre, sans jamais se voir, parce que c’est impossible, compte tenu des circonstances. Ne connaître de l’autre que ce qu’il nous confie, cela peut mener à bien des surprises.
Mieux vaut savoir où on met les pieds.
Deuxième prix du concours de nouvelles de Belgique-Loisirs
Présentation
Une nouvelle écrite pour participer au concours organisé par Belgique Loisirs en 1992, sur le thème « ma plus belle histoire d’amour ».
Fictive, l’histoire de cette jeune fille qui, pour briser la monotonie du pensionnat, décide d’élargir ses horizons. Deux pensionnats, filles, garçons. Aucun contact entre les deux mondes, si ce n’est la messe hebdomadaire. Amourettes plus rêvées que vécues. Sévérité religieuse des deux côtés. Le décor est planté. Amours en fleurs… amours en pots.
Et cela ne suffit plus à Véronique. Cette année-là, à la rentrée, elle envoie une petite annonce et, miracle, reçoit une réponse. Elle vivra un amour épistolaire plutôt extraordinaire. Mais la réalité va la rattraper d’une manière singulière…
La nouvelle a obtenu le deuxième prix, sur des « centaines et centaines » de nouvelles, dont cent ont été retenues pour la sélection finale. Elle a été publiée en 1992 dans le recueil intitulé Ma plus belle histoire d’amour – éditions Belgique Loisirs.
Extrait
Christopher me fit pénétrer le ténébreux univers des agents secrets mais surtout le merveilleux domaine des amours clandestines. Peu à peu, je tombais amoureuse d'une ombre dont je ne savais que ce qu'il voulait bien m'écrire, mais dont j'étais prête à tout croire. Surtout qu'il m'écrivait de si jolies choses, qu'il m'envoyait des fleurs séchées, des plumes d’oiseaux, des bouts de rêve où il faisait rimer mes yeux de cristal avec le parfum du santal, où il donnait à mon double plus de consistance que je ne lui en donnais moi-même.
Cet amour insolite m'ancrait paradoxalement dans la vie beaucoup plus sûrement que ma pâle scolarité et me donnait une formidable impression de supériorité sur mes copines de classe. Je ne déplorais qu'une chose : il m'écrivait à la machine. Par prudence sans doute. Mais une lettre d'amour dactylographiée perd beaucoup de son charme et donne l'impression d'une circulaire.
Le soir dans mon lit, au lieu de réviser mes cours, je relisais l'une ou l'autre lettre avec la certitude que mon Christopher pouvait en remontrer aux plus grands. Je me faisais un cinéma du tonnerre. J’étais heureuse.
C'était compter sans la mesquinerie de mes amies. Voyant s'amonceler les lettres dont je gardais même les enveloppes, Maryse, ma voisine de couloir, qui avait la langue acérée et cinq paires d'yeux aux aguets, se montrait de plus en plus curieuse et menaçait de prévenir la religieuse chargée de surveiller notre moralité. Ses antennes lui disaient que c'étaient des "lettres de garçon".
J'étais pensionnaire puisque mes parents, artistes tous les deux, étaient sans cesse en tournée. Ils m’écrivaient régulièrement. J'avais une excellente cachette : je glissais tout mon courrier dans une grosse chemise de toile entre les éléments de mon radiateur. Et mon amour comme un abricot mûrissait dans la chaleur et la poussière à l'abri de toute inquisition. Ni la religieuse préposée au service des chambres ni l'épineuse Maryse n'ont jamais rien trouvé. Je fus bien ennuyée cependant le jour où mon amoureux de papier me réclama une photo.