Le dernier papillon
La 1e nouvelle que j’ai écrite (1991)
Figurant dans le recueil Les couleurs de la peur, aux Éditions M.E.O. (2021)
Deux distinctions
Anaïs, une ado confrontée aux affres de la vie, quand, le jour où son copain la plaque, sa mère est emmenée d’urgence en clinique suite à un malaise cardiaque. Seule dans la maison, elle traduit son désarroi en révolte contre le monde entier et spécialement contre son « emmerdeuse de mère, qui choisit pour son infar’ le jour où elle souffre d’amour » ! Et quand un garçon se pointe aux alentours de la maison, elle réagit dans l’impulsion du moment.
Présentation
Cette nouvelle, écrite en 1991 pour le concours de La Troisième Phase, a été reçue 5e sur 650 candidats ! Publiée dans la brochure des lauréats.
Elle a été complétée en 2002 par un deuxième volet (la réaction du garçon) et s’est intitulée à ce moment-là Amour de sable.
Mais c’est sous le titre Le dernier papillon que la nouvelle complète est publiée dans Les couleurs de la peur.
Nous y voyons comment Anaïs, très perturbée par les événements de la journée, s’en prend à ce visiteur importun, comment ensuite elle craint d’avoir été trop loin et comment se déroule la suite de la journée.
Extrait
Rien n'avait marché comme elle voulait cet été. Au lieu d'aller en Angleterre dans une école de vacances avec ses copines, elle avait dû venir s'enterrer dans cette dune de sable avec cette mère casse-pieds et travailler ce piano qu’elle abhorrait. Et l'amour alors ? Ce n'est pas ici qu'elle le trouverait, l’amour. Ici, on ne trouvait rien, on ne pouvait rien trouver.
Elle avait bien cru pourtant. Elle secoua la tête et crispa les paupières. Non, ce n'était pas pour cette année, le grand amour. Elle s’était trompée, voilà tout. Sylvain n'était qu'un mythe, un mirage avec lequel elle avait fait un bout de chemin. Un de ces béguins de vacances qui s'évanouissent dès que pointe septembre avec son cortège de soucis, et qui vous laisse un tel goût d’amertume au fond du gosier qu’on se sent la gorge serrée sans raison.
Il est parti tout à l'heure, Sylvain, pour ne plus revenir. Il a regagné ses pénates sans un regret. Sans un regard en arrière. Sans même laisser d'adresse. D’un sourire, il a tout effacé. Ciao ! Du coup, elle n'a plus osé lui donner le cadeau qu'elle avait acheté pour son anniversaire, se fendant de toutes ses économies. C’est cher, l’or, pour une bourse de gamine. A quoi bon maintenant ?
Anaïs tâte la chaîne qu’elle porte au cou, la caresse un moment puis l’ôte, la considère d’un œil glacé et la jette au loin. Au diable, les cadeaux ! Le bijou atterrit dans la jardinière où le papillon manchot achève de se gaver de nectar, passant d'une fleur à l'autre en faisant semblant de voler.
Le regard embué d’Anaïs se pose sur le petit kouros d'albâtre qui monte la garde à l'angle de la terrasse, tout nu et souriant d'un air narquois. Encore une idée de sa mère, ce kouros idiot. Au lieu d'acheter des nains de plâtre comme tout le monde ! Quand elle reviendra…
Et si elle ne revenait pas ? Anaïs se mord les lèvres, se lève d'un bond. Elle se sent si petite, tout à coup, si perdue dans cette grande maison vide. La nuit va tomber. Et le téléphone s'obstine à demeurer muet. Quand elle est rentrée tout à l'heure, volant sur son vélo, les cheveux pleins de nœuds, les yeux pleins de larmes, le cœur en charpie, traînant derrière elle son amour déchiré en pédalant comme une folle, il y avait une ambulance devant la maison. Un homme en blanc lui a dit que sa mère venait d'avoir un malaise cardiaque, qu’on espérait la sauver et qu'il fallait prévenir son père de toute urgence. Ils sont partis dans un boucan d'enfer. Son père ? Son père n'en avait rien à faire. Il était en vacances aux Caraïbes ou dans les Dom-Tom et se fichait de sa femme autant que Sylvain se fichait d'elle.
Anaïs avait couru se jeter sur son lit. Elle en voulait à tout le monde et surtout à sa mère, qui choisissait pour son infar précisément le jour où elle souffrait d'amour. Qui l'abandonnait dans cette maison de sable avec pour compagnon un chat flapi chasseur de papillons qui se fichait bien d’elle aussi.
Revue de presse
Se référer à la revue de presse du recueil Les couleurs de la peur.