Nuit et Jour
Écrit en 2001
- Publié dans le recueil Clair d’étoiles (mini-édition personnelle, épuisée) en 2011
- Publié dans la revue Le Spantole
Conte allégorique
Le Jour et la Nuit s’adorent, mais le Créateur a organisé la ronde des heures de telle façon qu’ils ne se rencontrent jamais. Ils viennent lui demander conseil. Il faut trouver une astuce pour éviter qu’ils ne se détruisent l’un l’autre en se voyant.
L’amour vient à bout de tout, dit-on. Le défi est de taille !
Un conte mythologique, loin de toute vérité admise ou supposée. Mais mon mythe en vaut bien d’autres.
Conte primé
Présentation
Quand le roi Jour et la dame Nuit tombent amoureux, alors qu’ils sont incompatibles, que peut le Maître de l’Univers ? Le jour ne peut exister face à la nuit, qui le gobe et le mange. La nuit ne peut exister face à ce jour, qui l’absorbe et la dissout. Ils ne peuvent que courir l’un derrière l’autre à longueur d’éternité, sans espoir de jamais pouvoir se rencontrer et fusionner.
L’amour, en voilà une idée ! s’exclame le Maître de l’Univers. Vous êtes des extrêmes, vous vous annulez. Vous ne pouvez ni vous joindre ni vous séparer. Je n’ai pas de solution.
Mais ne détient-il pas les rênes de tous les principes, si opposés soient-ils ? À lui de trouver l’astuce qui leur permettra de vivre ensemble sans se détruire.
Extrait
En ce temps-là, il y avait le jour. Le jour s’était proclamé roi et personne ne l’avait contredit. Il régnait donc en maître.
Le roi Jour était, comme il se doit, extrêmement brillant, généreux et très imbus de sa personne. Il allait dans l’espace, vêtu d’or et de lumière, le nez levé, la barbe ardente, rayonnant de suffisance ensoleillée. Mais toute sa suffisance ne lui suffisait pas, car il n’y avait personne pour l’admirer, personne à éclairer, personne à réchauffer. L’ennui seul sur ses talons…
Il en vint à croiser au cours de ses errances rondes la reine Nuit, douce dame invisible, impalpable, décelable à son seul parfum de mystère. Elle se tenait immobile, immuable, dissimulée dans l’ombre, drapée dans son étole de brume. ‘Belle comme le jour’ serait l’expression idéale. Mais elle semble plutôt mal venue car on ne pouvait rêver plus dissemblables que le Jour et la Nuit. Elle était belle, et c’était là son drame. À quoi bon être belle dans un monde aveugle, un monde où la lumière vous ferait disparaître aussitôt ?
Le roi Jour fut immédiatement conquis par le mystère de l’insondable Dame, irrésistiblement attiré par ce trou noir. Il s’avança. Elle prit la fuite. Il s’engagea à sa suite. Elle accéléra. S’il parvenait à la rejoindre, elle s’envolerait en fumée. Et, même invisible, elle était très consciente et très contente d’exister. Pour tenir le Jour à distance, elle le menaça d’un sort terrible, l’antimatière, qui l’absorberait à son tour.
Le Jour se tint donc à distance respectueuse, mais se mit à lui tourner autour comme un cercle autour de son centre. Le cycle était né. À intervalles réguliers, son visage lumineux éclairait la face pâle de la dame de la Nuit, qui se détournait aussitôt et n’offrait plus qu’un croissant effilé avant de se détourner tout à fait et de disparaître.
Éperdument amoureux, le Jour ne se décourageait pas et le soleil tournait sans fin autour de la lune, espérant la séduire en la faisant luire. Et la Nuit continuait à se voiler la face, refusant l’approche de ce Jour arrogant, qui ne pouvait lui apporter que la mort et qui ne le savait pas.