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Noël et Léon

Conte écrit en 1997

Publié dans le recueil Clair d’étoiles (mini-édition personnelle, épuisée) en 2011

Conte philosophique

Ils sont jumeaux, mais un étrange maléfice va les séparer dès la naissance.
Une malédiction qui va les éloigner irrémédiablement, car le temps ne s’écoule pas de la même façon pour l’un et pour l’autre… Et leurs destinées divergent.

L’un devient le pire, l’autre le meilleur. Celui qui vieillit vite en vient à mourir, après avoir brûlé sa vie par les deux bouts. L’autre se voit tiraillé vers l’au-delà par un appel irrépressible…

Comment se rejoindre ?

Présentation

Tout oppose ces jumeaux, les renvoyant dos à dos, les prénoms inversés les reflétant à l’envers. Dès le début, leur mère les voit évoluer différemment et rien n’y fait, leurs destins se confirment, et Léon meurt au bout d’une vie tourmentée, alors que son frère n’est encore qu’un enfant.
Ils doivent se rejoindre, se réconcilier, le maléfice doit s’inverser.

L’effet miroir des deux noms, deux enfants, complètement opposés mais indissolublement liés…

Les deux faces d’un même individu, en fait, tiraillé entre Dieu et Diable. La situation de tous les humains, pas toujours confortable.

Extrait

Noël était né sous un soleil resplendissant. Léon avait jailli en fulgurance sous le terrible coup de foudre de l'orage qui menaçait et qui avait choisi d'éclater au moment précis où il pointait le nez. L'éclair qui déchira le ciel se ficha tel une flèche dans le troène qui bordait la maison. L'arbre brûla comme une torche. Le ciel s'en prenait à la terre. Mauvais présage. Terrifiée, la mère se persuada qu'une telle venue au monde était un maléfice et se sentit remplie d'amour pour le malheureux gosse né sous de tels auspices.

Comme toutes les mères du monde, elle était prête à donner le meilleur et davantage. Elle n'a jamais imaginé le tort qu'elle ferait à ses enfants en leur attribuant des prénoms inversés, les éloignant irrémédiablement l'un de l'autre, les séparant mieux qu'un miroir ne le ferait. Les cantonnant dans deux mondes opposés qui se regarderaient sans pouvoir se rejoindre. Jamais pensé non plus à la symbolique de ces prénoms. Noël, amour et paix. Léon, le lion, symbole de force et de paresse. Léon, le cri du paon. Est-il oiseau plus prétentieux que ce glorieux gallinacé ?

Très vite, la mère sentit naître le fossé entre ses deux garçons. Leurs caractères se dissocièrent et leurs visages aussi. Elle vit Noël s'arrondir, sourire et se montrer le plus charmant bambin du monde. Léon, par contre, s'agitait, gesticulait, criait, tempêtait, gardait les poings crispés et l'air furieux même en dormant. Noël buvait calmement au sein gauche. Léon mordillait, triturait, torturait le droit. Mais le plus curieux, c'est le sentiment qu'elle avait de voir Léon grandir plus vite. Cette impression se confirma sous la toise et sur la balance. Il poussait comme un chardon et se démenait sans cesse pour aller plus loin, plus vite, plus haut. Léon fut vite assis, vite debout, vite parti.